L’AOH chez les enfants : « C’était difficile pour mes parents de me voir souffrir »
Il n’existe pas de traitement spécifique pour les enfants atteints d’AOH. Alors Olivia a dû s’en passer pendant dix ans et supporter chaque poussée. « Je pense que ça m’a rendue plus forte, voire plus résistante », affirme-t-elle.
Olivia De Paepe vient de terminer ses études en biologie. Une nouvelle phase de sa vie est sur le point de commencer : la recherche d’un emploi, les premières économies et ensuite, le projet d’emménager avec son compagnon… Une période exaltante et pourtant, elle reste calme. Sans doute parce qu’elle a déjà vécu tant de choses dans sa jeune vie. Une enfance marquée par les poussées d’AOH, par exemple.
« J’avais six ans lorsque j’ai eu mon diagnostic, mais les premiers symptômes et poussées ont déjà commencé vers l’âge de cinq ans. J’avais souvent mal au ventre, je vomissais beaucoup, j’avais parfois le visage gonflé… Autant de symptômes que mon père, lui aussi atteint d’AOH, a reconnus », explique Olivia. « C’est pourquoi il a immédiatement pris rendez-vous chez son médecin. Et bien vite, il s’est avéré que j’étais également atteinte de l’AOH. »
Souvent malade
De son enfance, Olivia ne se souvient pas de grand-chose. « L’AOH a toujours fait partie de ma vie, le diagnostic n’a pas beaucoup changé. Mes parents ont informé l’école qu’il m’arriverait d’être malade et de manquer l’école, c’est tout ce qu’ils pouvaient faire. Car il n’y avait pas de traitement quand j’étais enfant. Les poussées, il fallait juste les endurer. »
Parfois, ces crises se déclenchaient à l’école. « Une fois, j’ai vomi sur le bureau de la maîtresse », se souvient-elle. « Quand j’avais un début de malaise, elle me laissait me reposer. Il m’est arrivé de m’endormir sur mon banc (rit). »
Ses camarades de classe ne remarquaient rien. « Je n’avais pas de gonflements, surtout des crampes et des douleurs abdominales. Mes amis pensaient que j’avais souvent la grippe et ne me considéraient pas comme différente ou spéciale. Je n’ai donc jamais été exclue ou harcelée, heureusement. »
Elle n’a jamais aimé parler ouvertement de sa maladie. « Je ne veux pas susciter la pitié ou attirer l’attention. Quand les gens me demandent ce que j’ai, je réponds qu’il s’agit d’une maladie génétique. S’ils me posent d’autres questions, je leur donne plus d’explications. Mais je n’en parle pas spontanément. »
Sentiment d’impuissance
Ses parents ont réagi différemment face à sa maladie. « Mon père, qui savait ce que je vivais, a été mon roc. Lorsque les symptômes se sont accentués à l’adolescence et que j’ai traversé une période difficile, il a essayé de me rassurer et de me réconforter en me disant que ça irait mieux après la puberté. Ce qu’il voulait me faire comprendre ? Que je devais mordre sur ma chique pendant un moment et que tout finirait par aller mieux. »
Pour sa mère, c’était différent. « À chaque nouvelle poussée, ma mère allait parfois se cacher pour ne pas me montrer son chagrin. Elle détestait me voir souffrir et se sentait complètement impuissante. Elle s’est beaucoup inquiétée pour moi jusqu’à l’adolescence. Dès que mon emploi du temps était un peu plus chargé – avec mes loisirs, des sorties entre copains -, ma mère avait peur que j’en fasse trop et que ça déclenche une crise. Elle n’avait pas tort, car quand je suis fatiguée et que je ne dors pas assez, cela peut être un déclencheur. »
Une journée sans rien manger ni boire
Enfant, Olivia avait parfois des poussées tous les quinze jours. « Chaque poussée s’accompagnait de crampes abdominales et intestinales intenses. Je ne pouvais rien manger ni boire, je vomissais beaucoup et j’avais du mal à dormir. Quelquefois, c’était si intense que je ne pouvais même pas avaler une goutte d’eau. Une poussée typique durait deux jours : un jour où je ne mangeais ni ne buvais rien, et un jour pour récupérer. Parfois, des mois s’écoulaient entre les poussées, mais à certaines périodes, elles étaient fréquentes.
Nouveaux symptômes à l’adolescence
À l’adolescence, les symptômes se sont aggravés. « Soudain, j’ai commencé à développer de légers gonflements au niveau du visage. Les gens qui ne connaissaient pas mon AOH pensaient qu’une dent de sagesse était en train de sortir, mais les gonflements étaient trop fréquents pour valider cette explication au bout d’un moment (rit). »
Apprendre à gérer l’AOH
La puberté a exacerbé son AOH, avec des poussées sévères et plus fréquentes. « Parfois, je me demandais pourquoi c’était à moi que ça arrivait, et pas aux autres. Donc oui, j’ai eu des moments difficiles, jusqu’à l’université, mais j’ai appris à les gérer. Ça s’explique de plusieurs façons. Tout d’abord, je m’étais déjà ‘habituée’ à mon AOH au fil des années, alors que chez de nombreux patients, la maladie ne se manifeste qu’à l’adolescence. Le fait que mon père, mes deux tantes et mes cousins aînés avaient des symptômes similaires m’a également aidée. Je pouvais toujours leur demander conseil. Et puis je pouvais communiquer ouvertement avec mes parents sur ma maladie et ce que je ressentais. S’il m’arrivait d’être triste, je pouvais me tourner vers eux pour obtenir du réconfort. »
Aujourd’hui, Olivia offre ces mêmes conseils et ce réconfort à sa jeune sœur, qui est encore en pleine puberté. « Son traitement ne marche pas aussi bien que le mien, ce qui la décourage parfois. J’essaie de lui remonter le moral et de l’encourager, car je sais que ça ira mieux après. Mais l’adolescence est une période difficile. »
L’impact du traitement
À 15 ans, Olivia a subi la pire poussée de sa jeune vie. « J’en avais pourtant vu beaucoup d’autres, mais je n’oublierai jamais cette poussée-là. Même au bout de 24 heures, il n’y avait toujours aucune amélioration. Au contraire, la crise empirait. J’avais de fortes crampes toutes les quelques minutes, j’étais déshydratée et épuisée par le manque de sommeil. Mes parents étaient de plus en plus inquiets. Quand j’ai recraché une cuillérée d’eau malgré la prise d’un antidouleur, mes parents se sont décidés à aller aux urgences. »
L’heure de la libération avait enfin sonné. « En plus d’une perfusion contre la déshydratation et d’une sonde gastrique, on m’a fait passer une échographie. Celle-ci a montré que je souffrais d’une invagination intestinale, une sorte de torsion de l’intestin. Cette nouvelle m’a incitée à prendre mon premier traitement. Mon spécialiste a dû me convaincre, parce que j’avais peur de l’administration par voie intraveineuse. Mais même si j’étais encore jeune – 15 ans -, la situation était devenue trop grave pour repousser encore le traitement. Depuis, c’est un immense soulagement de pouvoir enfin prendre un remède en cas de poussée ! »